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CYCLO CLUB GANGEOIS
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Corse

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CYCLO-CORSE 2018.
(Du samedi 1er au mardi 11 septembre).
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Brigitte, Caroline, Christelle, Nadia, Nicole, Suzy et Yolande.
Bernard, Celse, Claude, Georges, Guy, Jacky, Jean-Luc, Laurent et Patrick.

Samedi 1er septembre - des Cévennes à Marseille (186 km et 3 h 21), prologue d’un Tour de Corse.

Le rigorisme cévenol a du bon puisque tout le monde est ponctuel au rendez-vous à Cazilhac où tout s’organise sous la conduite de notre cher Président et de son dévoué Secrétaire. Le convoi s’ébranle à l’heure dite pour rallier Saint-Hippolyte-du-Fort où nous attend la fraction gardoise du club. Nous arrivons sans encombre à Marseille, dénichons, non sans mal le parking longue durée du port et patientons un bon moment avant le départ sous un chaud soleil de fin d’été. À 18 h 00, nous embarquons sur le Pascal Paoli de la Compagnie Corsica Linéa, personne n’est resté à quai, c’est déjà ça ! Après avoir pris possession de nos cabines, nous nous retrouvons sur le pont pour observer les manœuvres d’appareillage et admirer ce littoral où alternent ensembles immobiliers, quartiers résidentiels ou populeux, îlots sauvages du Frioul, du château d’If, de Riou et d’autres, les somptueuses Calanques de Cassis s’estompant dans les dernières lueurs du jour. À la tombée de la nuit, le vent se lève faisant chuter la température, nous nous réfugions à l’intérieur et allons prendre l’apéritif au bar avant de dîner au restaurant, où l’attente est un peu longue, chose normale à 16 ! Le vin est astringent et la nourriture plutôt médiocre surtout pour Patrick qui a choisi une côte de porc qui semble avoir plusieurs traversées sur le gril à son actif avant d’amerrir dans son assiette. Nous regagnons ensuite nos chambres. Au passage, un grand merci à l’organisation qui a eu la délicate attention de nous réserver un espace « handicapés » (prédiction !) dont la salle de bains doit être aussi vaste que les couchettes pour quatre des gens plus gaillards que nous : nous ne nous plaignons pas.

Dimanche 2 septembre – Bastia à L’Ile-Rousse (74,05 km et 1 068 m de dénivelé pour 3 h 23).

Vers 6 h 00, la voix rauque d’un flibustier nous sort de nos songes : « Terre en vue, des goélands survolent notre vaisseau. La voûte céleste est chargée de nubes, il vient un peu de froidure de la coste. Le graillon sera servi dans la cambuse. Nous accosterons à Porto-Cardo dès potron-minet ». Scrogneugneu, j’ai fait un drôle de rêve, le repas d’hier est certainement resté en travers ! Nous nous préparons sans hâte et nous dirigeons vers le hall, certains dans leurs uniformes pimpants aux couleurs du CC Ganges, d’autres en tenues plus discrètes. Aussitôt sur le quai, nous nous regroupons sur un parking, avalons un frugal petit-déjeuner au bar « Le Moka » et équipons nos vélos pour la première étape alors qu’une fine pluie tombe sur la ville et que les nuages bas masquent la Serra di Pigno (960 m) et le Col de Teghime (536 m).


Un peu avant 10 h 00 sous un crachin breton, nous commençons notre « Tour de Corse », non pas par le col ci-dessus nommé mais par le bord de mer, en file indienne dans le sillage de notre Grand Chef que l’on suivrait au bout du monde, même sous le long tunnel du Vieux Port interdit aux cyclistes, prochainement en rénovation, notamment pour améliorer la sécurité, l’éclairage et réduire la pollution. Ce n’est pas les quelques coups de klaxon ou appels de phare d’automobilistes hargneux ou un bon bol d’air punais qui nous feront renoncer à cette procession de 822 mètres, dont 250 immergés, dans la semi-pénombre. Il faut bien reconnaître que nous avons échappé au pire et ce, en l’absence de notre Mister Security, occupé à des taches de chaperon dans ses Cévennes lointaines.
De l’autre côté, il pleut toujours et le fond de l’air est plus frais, nous retrouvons la T11 que nous quittons rapidement pour emprunter une succession de rues traversant la banlieue sud de la cité avec ses sempiternelles zones commerciales ou industrielles jusqu’au carrefour de Casatorra et Biguglia. Ces dix kilomètres ont plongé Georges dans un bel enjouement (excès de C02 certainement !) au point qu’on le sent disposé à en découdre à la moindre occasion. À l’embranchement, nous tournons à droite où nous attend notre assistance « Super U » pilotée avec résignation par Bernard, secondée par sa Brigitte, rompue à la lecture des cartes routières et accoutumée aux reportages cyclo photographiques de haut vol. À la sortie de l’agglomération, la D62 s’enfonce doucement dans le Défilé de Lancone, au pied de l’impressionnante Cima di Zuccarello et en contre-haut du fleuve Bevinco. La route tranquille, sinueuse et étroite, s’élève sans à-coups vers le col de Santo Stephano (368 m) dans un décor fort joli et dépaysant dont chacun profite à sa mesure. Laurent franchit en tête cette première difficulté, puis Georges et Jacky devançant Jean-Luc et Christelle, plus loin Patrick pourtant parti rondement sur les premières rampes, puis Celse, à l’arrière Nicole accompagnée de son pygmalion Guy et pour finir Claude, mains et visage maculés de graisse suite à des sauts de chaîne : ah, la mécanique moderne !
La D82 bascule sur le versant ouest vers la mer Tyrrhénienne, Oletta et Saint-Florent où nous retrouvons le restant de l’équipe, à savoir nos quatre Marcheuses. Georges, en manque d’oxygène depuis ce matin a filé vers le Nebbio et sa cathédrale romano pisane ou tout simplement vers le Désert des Agriates, nous autres, sommes allés nous installer sur la terrasse d’un restaurant face au port de plaisance pour avaler un morceau et boire un café dont le décompte final paraît difficile à avaler. Nos 4 Nymphes, frustrées de ne pouvoir se rendre sur la plage de Loto en vedette pour cause de vague houleuse, se rabattent sur la citadelle et les monuments avoisinants. Pour notre part, nous reprenons notre cheminement toujours dans la roue de notre Révéré Président vers l’insolite Désert des Agriates qui n’a de désert que son nom. La D81 longe au sud ce paradis préservé de Haute-Corse où seules quelques accès conduisent aux plages paradisiaques qui jalonnent ses rivages vierges, pistes, qui malheureusement sont parcourues par d’énormes 4x4 chargés de touristes en mal d’aventure et de poussière dont nous voyons les loueurs tout au long du parcours dans chaque ferme ou à Casta, seul hameau de cette immense contrée. Le paysage est très tourmenté avec de belles montagnes rocheuses telles les Monts Robbia, Ifana et surtout Génova qui a accroché le regard de Christelle, mais dont je ne suis pas certain qu’elle se souvienne, pas de la vision mais du nom ! La route est à la même image avec un enchaînement de montées et de descentes culminant à la Bocca di Vezzu (311 m) où les plus curieux font une brève halte pour admirer le spectacle. À Monetta, la départementale rencontre la T30 qui bute sur la mer vers l’embouchure de l’Ostriconi puis longe le littoral avec de magnifiques coups d’œil sur les rochers, les plages et les falaises. Le goudron est très roulant aussi, Patrick, à son affaire sur un tel terrain, a mis le turbo nous emmenant tambour battant vers Lozari et l’Ile-Rousse où nous arrivons à 16 h 00. Nos Compagnes sont quelque part dans la ville ou dans l’Île de la Pietra tandis que Nanard, l’insatiable col… lectionneur s’est envolé vers les cimes de la Balagne pour glaner quelques panneaux manquants à son riche palmarès (une quarantaine de km et 700 m de grimpette supplémentaires).
Notre hôtel s’appelle l’Escale, c’est un établissement *** confortable, soigné où l’accueil est chaleureux et même personnalisé par un gentil mot souhaitant la bienvenue au CC Ganges, l’hôtesse, ce qui ne gâte rien, est charmante et vénézuélienne, ce qu’a parfaitement perçu notre Leader, pas qu’elle soit jolie mais qu’elle soit latinos, bien entendu. Nous prenons possession de nos chambres et allons musarder en ville puis boire un pot sur l’esplanade. Le repas est de bonne qualité et le vin blanc de Patrimonio issu du vermentinu, agréable à déguster. Je n’y ai point détecté de note anisée ou citronnée comme le vantent les dépliants publicitaires mais un agréable parfum de terroir. Il est toujours surprenant de constater que les œnologues trouvent dans le vin des arômes divers et variés mais jamais un goût de raisin ?? Merci à Georges, fin connaisseur, de nous avoir procuré ce plaisir gustatif
Lundi 3 septembre – L’Ile-Rousse à Porto (112,66 km et 1 727 m de dénivelé pour 6 h 20).

Après une bonne nuit, suivie d’un excellent et copieux petit-déjeuner, nous enfourchons nos vélos pour une rapide découverte de l’Île de la Pietra, au nord de l’agglomération, presqu’île maintenant puisqu’elle est reliée au débarcadère par une digue. Le chemin conduisant au phare est en assez mauvais état et compte trois ou quatre raidillons à faire sourire un Bonnafous et pâlir les autres. De là-haut, la vue embrasse la ville cernée de hautes montagnes, la mer vers le levant et le couchant le long d’un rivage très déchiqueté, c’est tout simplement splendide. Après une plongée acrobatique, nous nous rassemblons au pied de la colline et nous nous élançons pour la plus longue étape de notre équipée. Au bout d’une vingtaine de km sur une côte découpée et fort pittoresque dans une circulation importante, nous arrivons à Calvi, cité où serait né le plus illustre des découvreurs du Moyen-Âge et des Temps Modernes, Christophe Colomb. Ce n’est pas sa maison natale qui nous intéresse mais le coup d’œil sur les golfes de Calvi à l’est et de la Revellata à l’ouest du haut des remparts de la citadelle où nous grimpons dans les rues pavées au milieu des touristes. Tout le monde est sous le charme de ce majestueux endroit, aussi bien les profanes que les initiés ayant déjà visité cette forteresse génoise du XIIIe siècle. Nous repartons dans les avenues encombrées de la ville et attrapons, au sommet d’un beau raidillon la D81B qui nous amène à un parking dominant la pointe de la Revellata face à une voie conduisant à Notre-Dame de la Serra (210 m). C’est ce lieu saint que Monseigneur du Suc a jugé propice pour récupérer la brebis égarée que je suis : pour cela, il faut s’infliger pénitence en escaladant le mamelon abrupt où est érigé le sanctuaire, à savoir deux kilomètres avec des tronçons à 10, 12 et 15 %. Sur le faîte, il y a foule et surtout une vue majestueuse sur le Golfe de Calvi, les montagnes de la Balagne et la vallée du Reginu mais point de ratichon pour me délivrer du « Malin » ! Après le tour de l’édifice, un coup d’œil aux peintures intérieures et une moisson de photos, nous dégringolons à tombeau ouvert jusqu’à nos camarades restés en bas, reformons le peloton derrière notre Circonspect Président, qui, aujourd’hui, veille sur nous aux commandes de la bétaillère.

Le revêtement est en triste état, le profil très accidenté mais le trafic est maintenant quasi inexistant. Georges, en mal d’évasion et Laurent effrontément facile ont pris les devants à la faveur d’une bosse, disparaissant rapidement dans les courbes de la route. Nous les laissons filer, pensant qu’ils nous attendront à la prochaine gargote car midi approche. Il n’en est rien et nous décidons de nous arrêter au « Prince Pierre » sur la commune de Calenzana, à proximité des ruines du Château d’un certain Bonaparte, Pierre de son prénom et dominé par de hauts-reliefs, il est 12 h 20 et nos deux comparses errent du côté d’Olmo et de Galéria. Le restaurant d’abord sympathique, est plus une paillote proposant des plats simples, de la charcuterie locale, des pizzas et des salades qu’une auberge campagnarde. Chacun y trouve son bonheur mais l’addition est assez salée et la division finale poivrée ! À 13 h 45, nous prenons congé de notre barmaid, qui n’est pas corse s’est-elle contentée de nous dire sans nous préciser ses origines malgré le questionnement appuyé de Guytou : il est comme ça notre grand Brunet, il veut tout savoir de chacune de ses rencontres, mêmes éphémères.
Le goudron est maintenant de bien meilleure qualité et le profil toujours très tourmenté avec l’ascension de la Bocca Bassa (122 m), plus difficile qu’il n’y paraît, malgré sa modeste altitude. S’ensuit une belle descente sur la vallée du Fango. Nous stoppons au carrefour, cherchant un coin d’ombre car la chaleur est intense pour attendre les flâneurs et les rêveurs, nos deux échappés n’ayant pas cru bon de patienter. Nous franchissons le fleuve sur le pont des Cinq Arcades, suivons le fil de l’eau jusqu’au hameau de Fango puis attaquons l’ascension du col de Palmarella (406 m) très sinueux et régulier tout au long de ses 11 km avec deux ou trois sections entre 8 et 10 %. Les paysages sont magnifiques mais l’apothéose est au sommet avec un panorama exceptionnel sur la Réserve de Scandola et le Golfe de Girolata : on en prend plein les yeux ! Celse, à l’écart, ingurgite d’étranges berlingots qu’il affirme être de la compote, ce dont je doute. J’avais raison car il repart sur les chapeaux de roues, nous imposant un train d’enfer sur un terrain où d’ordinaire il n’excelle pas, majoritairement descendant.
Nouvel arrêt au Col de la Croix (269 m) pour la photo de famille sous le panneau couvert d’autocollants à la demande de notre reporter et encore un spectacle à couper le souffle sur le Golfe de Porto. J’ai surpris le regard chafouin et rigolard de notre Cazilhacois aspirant à nouveau et à la dérobée un stupéfiant biberon. Si ce soir il chante la sérénade dans les rues de Porto en pyjama sur son Scott, je lui demanderai la recette ! Il nous reste 22 km pour atteindre notre but, la D81 est maintenant une belle et large route, épousant les contours de la côte à flanc de la montagne. L’ami Celse s’est élancé dans la pente sans nous attendre, sans se retourner, sans même regarder autour de lui, il dépasse ainsi Curzo, Partinello, marque une pause à la Bocca Pagliaghia (188 m) où nous le rejoignons, puis dégringole vers le pont de Sèrriera dans le vallon du Vetricella. Là, enfin, il accuse la fatigue, lui faudrait une autre totote pour escalader les doigts dans le nez l’ultime raidillon annonçant l’arrivée sur les hauteurs de Porto-Marina. Nous nous laissons glisser jusqu’à l’hôtel Corsica que nous dénichons sur la rive droite de la rivière de Porto, enserré dans un écrin de verdure planté d’énormes eucalyptus et de palmiers. Il est tout juste 17 h 00 lorsque nous franchissons le seuil du hall où nous accueillent l’échappée du jour et la brigade d’intervention motorisée. La gérante, renfrognée à l’idée de recevoir un groupe de sportifs (je la comprends car ces gens-là sont bizarres, peu fréquentables et parfois trublions) s’adoucit constatant que nous sommes seulement des touristes à bicyclette, autrement appelés cyclotouristes : d’inoffensifs quidams en quelque sorte. Après la douche, nous nous réunissons dans le bar autour d’une bière ou d’un verre de blanc de Patrimonio. Notre Secrétaire semble avoir retrouvé sa bonhomie habituelle mais refuse de me communiquer la marque de ses produits. Le dîner au restaurant Vaika ne fera pas date malgré le choix judicieux du vin par notre disciple de Bacchus mais il faut reconnaître que le prix du menu est raisonnable. Nous rentrons sur la pointe des pieds pour ne point gêner une clientèle d’ascètes peu encline à la bamboche.
Qu’on fait de leur temps nos quatre « Babilleuses » ? Après le briefing matinal, elles sont allées dans la Balagne pour découvrir les jolis villages perchés sur les versants ensoleillés de la montagne : Sant’Antonino, Corbara, Pigna, Cateri agrémentés d’une collation et d’une glace en terrasse avec vue imprenable sur la mer, ensuite, elles sont descendues vers Calvi pour une visite de la citadelle. Il était trop tard pour randonner sur la presqu’île de Revellata. Elles sont parfaitement réjouies et enchantées de leur journée.
Mardi 4 septembre – Relâche à la Marina de Porto.

Ce jour de repos vient un peu tôt dans ces vacances, mais ne pas profiter des splendeurs de ce site aurait été une erreur, car cette région, aussi bien la côte que l’arrière-pays, à mon sens, est la plus spectaculaire de Corse. Je ne suis pas le seul à penser cela puisque le Golfe de Porto a été classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco et il figure dans le Top 10 des plus beaux golfes du Monde. Dommage, toutefois que la météo ne soit pas au rendez-vous.

Le petit-déjeuner est assez consistant et nous prenons notre temps car rien ne nous presse. La conversation, côté masculin, tourne autour des voitures, de la conduite puis des tatouages. Je n’y prends pas part par manque d’intérêt mais aussi pour éviter un haussement de ton dans l’assistance, j’aurais la voix qui porte aux dires de Georges. Je lui préfère les discussions basées sur le programme journalier de la gent féminine, d’ailleurs, lorsque les premiers quittent la salle, cette dernière devient plus rassérénée, comme quoi ? Existerait-il des mauvaises langues au sein de ce club ?
Après une balade vers la Tour Génoise ou une virée sur la plage de galets avec mise à l’eau pour certains, nous nous rendons vers midi au restaurant « Le Panoramique » où nous dégustons un très bon déjeuner, bien meilleur qu’hier soir. Dehors, le vent s’est levé, poussant de lourds nuages gris sur la mer et masquant l’horizon avant que ne s’abatte une violente averse : notre excursion serait-elle compromise ? À 14 h 00, le soleil faisant une timide apparition, nous nous décidons à bouger et à nous rendre vers le port où notre bateau hybride prend le large. Aurions-nous raté l’heure ? Après nous être informés, nous comprenons que notre départ n’est pas à 14 h 00 mais à 14 h 30, il nous reste une demi-heure. Pour tout arranger, notre GO a oublié le billet collectif sur sa table de nuit mais le responsable nous accepte après un coup de fil, nous embarquons avec une vingtaine d’autres touristes et appareillons sans tarder, non pas pour Cythère mais pour la réserve naturelle de Scandola et Girolata, les joyaux de la Méditerranée.
Notre capitaine est expérimenté, malgré son jeune âge et ne semble pas outre mesure perturbé par la sculpturale agace pissette en short de velours qui est venue s’asseoir près de lui, son second se chargeant de nous faire l’article émaillant son laïus de plaisanteries et jeux de mots. Pour en revenir à un sujet plus sérieux et pour la petite histoire, Kalistéa était rattachée au continent avec sa grande sœur Sardinia. Un soubresaut de la terre, moult millénaires en arrière vit ces deux blocs se détacher, le premier de l’Esterel et le second du Massif des Maures voilà qui explique la présence du porphyre rouge vers Saint-Raphaël et ici autour de nous. Un volcanisme intense qui se justifie par la présence d’une immense caldeira partiellement immergée, a façonné de main de Maître les falaises aussi bien aériennes que sous-marines de ce golfe (ce que je confirme car j’y ai plongé la tête dans le passé). De nos jours, à moins de posséder un voilier ou une vedette, il n’y a guère qu’avec les multiples sociétés basées près de la Marina, assis en rangs d’oignons, que l’on peut pénétrer ce monde fantastique, longer les falaises, se faufiler entre les écueils ou pénétrer dans les grottes au-dessus d’une eau cristalline. L’escale à Girolata permet seulement de boire un verre ou, pour les gourmandes, de déguster une glace, de tâter la croupe des vaches du syndicat d’initiative et de parcourir prestement les ruelles pentues du village. On remonte à bord puis on file vers Porto pour décharger une cargaison de passagers et les remplacer par une bussée de Normands paisibles et disciplinés avant de repartir à vive allure vers Capo Rosso puis dans les Calanches de Piana, aux roches rouges finement ciselées par les éléments avec une seconde tournée d’explications et de drôleries du même tonneau. Ils pourraient avoir un répertoire plus étoffé pour les gens comme nous qui participent à la totale, mais ils préfèrent sans doute fabriquer des porte-clés ou mater les rondeurs savamment débordantes de cette néréide ostentatoire.
Vers 19 h 00, nous accostons sur le quai, glissons une pièce dans la sébile du matelot et montons à l’hôtel puis au restaurant. Le repas composé d’une entrée, d’un plat, d’un fromage et d’un dessert est de meilleures qualités que la veille mais reste moyen, le vin, dont j’ai oublié le nom, est fort agréable car Maître Mansoux veille au grain.
Mercredi 5 septembre – Porto/Porticcio (110,29 km et 2 280 m de dénivelé pour 6 h 17).

Les « Bravettes », c’est ainsi que Laurent (je lui laisse la responsabilité de ce qualificatif dont je ne connais pas la traduction en langue d’oïl), qui non sans malice, les a nommées, ont décidé, ce matin, de n’utiliser qu’une voiture, laissant la Némo sur le parking du Corsica Hotel, ce qui facilitera leurs verbeux échanges. Quant à la famille Revel, elle a pris la poudre d’escampette sans vraiment écouter les décisions, contre-décisions et injonctions de Jean-Luc.

Nous devions faire gauche droite en quittant la ville, en fait nous avons décidé l’inverse, la suite nous inquiète un peu pour ramarrer nos phénomènes. La D84 s’élève doucement mais régulièrement en rive gauche de la rivière qui a donné son nom à Porto dans un environnement de montagnes spectaculaires. Sur le versant opposé, nous apercevons Ota, la municipalité qui veille sur ce paradis. La D124 qui conduit à ce village est parallèle à la nôtre, à moins d’un kilomètre à vol de balbuzard. Elles se rejoignent vers le Pont de Listincone (334 m). Nous y attendons notre duo, embringué de l’autre côté, mais rien ne se passe malgré un long moment d’expectative. De guerre lasse, nous reprenons notre progression, laissant à Laurent le soin de récupérer nos rétifs fugueurs. La route est bien revêtue, étroite et sinueuse, elle forme de larges boucles au-dessus des profondes Gorges de la Spelunca au fond de laquelle coule le torrent du Tavulella, qui en aval prendra le nom de Porto. Il y a peu de monde à cette heure matinale, seulement un troupeau de chèvres qui trotte, crotte et frotte les rares voitures présentes. Elles sont magnifiques avec leurs longs poils et leurs cornes recourbées, mais un peu envahissantes et désinvoltes, nous avançons avec prudence et curiosité au milieu de ce sit-in caprin qui semble ravir Christelle, peu habituée à de telles confrontations sur ses terres monoblètoises ! Après un long détour, nous entrons dans Evisa (829 m) où nous rattrape la Peugeot. Les Nanas ont vu Revel & Revel entre Ota et Evisa, ils devraient bientôt rentrer dans le peloton, et nous convenons de nous arrêter au carrefour des D84 et D70, à l’orée de la Forêt d’Aitone, mais ¾ d’heure plus tard, ils ne sont toujours pas là et nous décidons de ne plus nous soucier d’eux. Nous continuons vers Cristinacce, franchissons le col de Sevi (1 101 m) terme d’une ascension de 28 km depuis l’hôtel et descendons à vive allure vers le Col Saint-Antoine (491 m), sans Bernard qui, chose curieuse, a découvert un col manquant à son riche palmarès, il ne ménage pas sa vieille carcasse le gaillard ! Patrick qui a fait la course en tête depuis le sommet nous attend au bord de la route, quelque peu dépité, il a éclaté un pneu et abîmé sa jante en carbone dans un trou, étonnant pour un garçon qui pédale souvent tête baissée, le regard rivé au goudron, son proche avenir cycliste est compromis ! Georgios, de son côté, a décidé de sauter le repas et de rouler vers Ajaccio par le littoral : peut-être un besoin de solitude ? Nous traversons l’agréable ville de Vico, entourée de hauts sommets dont le Monte Rotondo (2 622 m) à la recherche de la direction d’Arbori sur la D1 mais il n’existe aucune indication, « les panneaux ont été enlevés, c’est la Corse mais pas celle que j’aime », nous dit une charmante habitante. Sur la place centrale où a été érigée la statue d’un homme illustre, il y a deux ou trois gargotes, nous portons notre dévolu sur le Café Paoli où le patron grille ses viandes sur la terrasse, sans le sourire mais avec art, car le plat est excellent, le meilleur depuis Bastia.
Un soudain coup de fil interrompt nos agapes : nos romanesques aînés errent aux confins de la commune de Vico, eh oui ! Il faut savoir que beaucoup de villages ou de villes de l’intérieur disposent d’une façade sur la mer, en l’occurrence Sagone, à une quinzaine de kilomètres d’ici. En réalité, après être allés à Ota puis vers d’Evisa, ils sont retournés à Porto, montés à Piana avant de suivre le bord de mer jusqu’à Cargèse et Sagone. Ce matin, on aurait du se méfier en voyant Claude enfourcher son engin avec le casque à l’envers : y avait comme un funeste présage ! En tout cas, on est rassuré de les savoir en bonne voie et ensemble. Nos quatre Galinettes de leur côté, ont choisi de randonner sur les pentes du Monte Sant Eliseo vers le ravissant lac de Créno cerné de pins Laricio, une superbe balade de 4 heures. Notre Casse-Tout, quant à lui, doit abdiquer et monter dans la voiture-balai au grand ravissement de Laurent qui se change sous l’œil inquisiteur du sieur Casanelli d’Istria, évêque de son état qui combattit avec vigueur la vendetta et sans succès durable, semble-t-il ?
Après le caoua, nous redémarrons rapidement sur la D1 déserte, le long du Liamone qui a creusé de profondes gorges entre Arbori et le Pont de Truggia puis dans le modeste col d’Ambiegna (376 m). Nous roulons légèrement plus vite, sans doute en raison du retour du Cigalois qui caracole en tête, les yeux grands ouverts à l’affût de beaux paysages à immortaliser avec son portable. Nous pénétrons ensuite dans une zone encore accidentée mais malheureusement très boisée, nous masquant trop souvent la vue. Nous traversons Sari-d’Orcino, Sarra-Carcopino via Bocca di Sarcoggio (612 m) et la T22. Le contournement de la capitale régionale par Botaccina, Bastelicaccia et l’évitement de l’autoroute à 4 voies ne sont pas des plus agréables car nous évoluons sur une redoutable montagne russe avec plusieurs rampes sérieuses sous un soleil brûlant et dans une circulation que l’on avait totalement oubliée depuis longtemps. Nous dénichons, non sans difficulté, la D55 en rive gauche du Prunelli et la T40, qui conduit dans un environnement balnéaire à la station de Porticcio. À 17 h 20, nous sommes devant la Résidence des Chênes où nous attend, penaude, la gracile Nicole, mais pas son partenaire qu’elle a, pour tout simplifier, semé dans les embouteillages d’Ajaccio. La brigade de recherche a la lourde mission de le récupérer sur les échangeurs du côté de l’aéroport, en bout de piste ! Il en sera quitte pour une tournée générale. Nous dînons au Colysée, installé sur le front de mer : accueillant et convenable.
Jeudi 6 septembre – Porticcio/Propiano (76,05 km et 1 290 m de dénivelé pour 7 h 25 arrêts compris).

Nous expédions notre petit-déjeuner sur la terrasse ombragée puis nous nous préparons alors que notre Guignard Dirigeant s’informe auprès du vélociste si la roue commandée, hier après-midi et promise sous 24 heures (parole de Corse) est disponible. Bien sûr que non et il doit récupérer son vélo sans délai et chercher une autre solution, contraignant sa pauvre copilote à courir le magasin.

Notre Dévoué Greffier, de son côté, jubile intérieurement de voir son Manitou contraint de prendre le volant car le tirage au sort l’avait désigné ce jour. Il me signale que cette situation ne décale pas le tableau de marche mais le remplace et qu’en conséquence il n’aura pas à se plier à la règle commune qu’il a lui-même édictée : chanceux, malin voire chafouin comme je l’ai déjà écrit, lundi !
Au carrefour devant l’hôtel, nous empruntons, en file indienne, la D55 qui déroule son impeccable ruban de bitume en bord de mer au-dessus des plages d’Agosta, de Rupione et de Portiglioli. Si le premier tronçon en milieu urbain est pratiquement plat, il n’en est pas de même après et nous nous trouvons confrontés à une succession de murs très pentus (10 à 15 %) et parfois interminables. Celse qui n’a pas la baraka, crève au sommet de l’un d’entre eux, nous obligeant à remonter un terrible rampaillou de plus de 1 000 mètres : sans aucun doute une punition de l’au-delà pour sa jubilation matinale ! La route coupe ensuite la Pointe de Capo di Muro où nos Marcheuses vont découvrir la Tour Génoise et le sentier des douaniers. Après le joli coup d’œil près de Canniciu, la D55 devenue 155 monte inexorablement vers Tassinca sur 7 ou 8 km. Georges s’est échappé, poursuivi par Laurent, toujours aussi à l’aise, je leur emboîte le pas et m’accroche avec énergie à la roue du second alors que notre tabellion se relève. Nous franchissons la crête au carrefour presque roue dans roue, suivis de Christelle et Jean-Luc puis nous nous regroupons avant de descendre à Porto-Pollo pour déjeuner sous la houlette d’un Celse affamé.
Nous nous installons sur la terrasse de l’Escale, vaste établissement ouvert sur le Golfe de Valinco chargé de nuages. Les plats sont un peu chers mais corrects, le service est impeccable même si l’humour du serveur est passablement caustique lorsqu’il nous demande de déplacer nos vélos derrière l’entrée alors que nous préférerions les avoir dans notre champ de vision : « il n’y a pas de voleurs ici, sauf les fonctionnaires des impôts de l’État français » nous proclame-t-il en appuyant bien sur le final. Les 20 derniers kilomètres sont avalés en moins de quarante-cinq minutes, vers 15 h 00, nous entrons dans Propriano avec un temps menaçant et quelques instants plus tard nous sommes à l’hôtel Neptune où nous élisons domicile. Après la douche, nous nous réunissons au bar, le ciel est de plus en plus gris et le brouillard masque l’horizon, soudain, une brutale averse s’abat sur la région. Où sont nos épouses ? Elles se sont réfugiées dans une gargote où le vieux patron leur déconseille de prendre le volant. Laurent, au téléphone, précise à Caro qu’il est dans la 207, elles sortent sans plus tarder pensant le voir sur le terre-plein voisin, méprise ce n’était pas la voiture dont il est question mais seulement le numéro de la chambre !!!
Ce soir, nous dînons au Bellevue face au port de plaisance et sur deux tables car à 18, nos amis Joël et Marie-Madeleine nous ayant rejoints pour cette soirée, ça perturbe le service. Tout est de bonne qualité et entre dans le budget, hors vins offerts par Georges et D’Jo : ils ne sont pas tous bons, surtout la cuvée du chef, assez quelconque. Nous sommes de retour vers 22 h 00.
Vendredi 7 septembre – Propriano/Bonifacio/Porto-Vecchio (108 km et 1 625 m de dénivelé).

Nos quatre Péronnelles, bavardes mais pas sottes, je le précise, sont invitées à un café, un bain, une douche et un pot chez D’Jo et MM à Tizzano, distante de 30/35 km. Hier, j’y aurais bien emmené la famille Bonnefoux car mon pote a acheté son vélo à Saint-Hippolyte-du-Fort et il a ses patins de frein à remplacer, opération la plus lucrative dont notre vélociste préféré s’est fait la spécialité : 50 € la paire, d’où son inépuisable liasse de billets orange. Le mécano, malheureusement, n’était pas équipé, de plus, le temps était exécrable et il aurait fallu ajouter 60/70 km à la dure étape de jeudi.

En quittant le garage, nous avons un incident technique, du moins Celse qui crève une seconde fois, le sort s’acharnant sur lui selon le mécréant que je suis ou le châtiment divin selon sa doctrine déiste. Il aurait pu expier ses fautes en prenant le volant mais il préfère réparer, encombrant la rue et retardant notre équipée
Ayant proposé un détour pour éviter une portion de la T40 très chargée le matin entre Propriano, Sartène et Bonifacio, nous bifurquons sur la D268 puis la D69 qui grimpe vers la sous-préfecture de la Corse du Sud dans un environnement champêtre. Après 5 ou 6 km de sérieuse grimpette nous entrons dans la très corse capitale de la Rocca (330 m) où il y a effervescence sur la place Porta. Cette joyeuse ambiance nous invite à un moment de détente autour d’un café ou d’un jus de fruit. Ensuite, nous slalomons dans la rue principale jusqu’au supermarché, nous virons à gauche sur l’étroite D50 qui s’élève rapidement au-dessus de la ville et de ses faubourgs puis grimpe plus franchement vers la Bocca di Suara (466 m). Nous basculons sur un paysage époustouflant avec en toile de fond la Montagne de Cagna dont le célèbre Uomo di Cagna (1 217 m) où nous avons, Yolande et moi, randonné plusieurs fois. La descente en lacets dans la forêt avec de nombreuses trouées laissant apparaître reliefs et côtes rocheuses est un régal. Un peu après Mola, la route bifurque à 90° vers le sud côtoyant l’Ortolo. Je ne sais pas quelle mouche a piqué les Cousins-Cousine, mais ils ont mis la plaque, entraînant le groupe dans leur sillage. Je reste à l’arrière, sachant que Guy, Nicole et Claude sont encore derrière car j’espère voir les guêpiers d’Europe qui nichent sur les berges du fleuve et ce n’est pas les mains en bas du guidon à 40 km/h que je pourrais les observer. Je pédale donc tranquillement pensant que le gruppetto me rattrapera sur les 7 ou 8 km quasiment rectiligne et en tout cas plats de la vallée, mais non, ils musardent aussi ! Tout bonheur ayant ses limites, nous retrouvons la T40 sur le Pont de l’Ortolo où nous reformons les rangs.
Nous nous y engageons avec prudence car la circulation est intense avec des armadas de motards et, comme tout le monde en Corse, faisons halte, après l’insignifiant, sauf pour les chasseurs de col, Bocca di Curali (107 m), sur le belvédère dominant l’immensité de la Méditerranée mais aussi le gigantesque rocher où se prélasse pour l’éternité le fameux Lion de Rocapina. Ce site, à juste titre, est l’un des plus photographiés de l’Île de Beauté, nous ne dérogeons pas à la règle. Après une large boucle et un faux plat de 5 ou 6 km, la route descend vers Bonifacio que l’on aperçoit dans le lointain. Le paysage diffère de tout ce que l’on a pu voir depuis dimanche, car nous pénétrons dans la seule portion calcaire de l’île, calcaire qui serait le même que celui que l’on peut observer sur le continent dans la région de Martigues. Nous arrivons vers midi, garons le camion sur le premier parking et partons à la découverte de cette pittoresque cité dans nos tenues colorées. Nous déjeunons à l’Hôtel des Voyageurs et choisissons tous des moules frites, voilà qui devrait simplifier les comptes ! Nous rencontrons nos 4 Gourmandes attablées devant un ice-cream chez un glacier voisin. Elles découvriront la cité à pied et nous à vélo avec quelques entorses au Code de la route. En vrac, nous visiterons le port de plaisance où sont ancrés de somptueux yachts, les ruelles pavées, les rues commerçantes, la vieille ville, la citadelle, le cimetière marin, les falaises de roche blanche surmontées d’immeubles aux couleurs pastel, le port vu du haut et la Sardaigne de loin (à peine 80 encablures) : une richesse incomparable qui séduit tout un chacun.
À 15 h 50, nous nous arrachons du point le plus méridional de la France en remontant vers le nord sur la T10 pratiquement rectiligne et horizontale avec, cependant, deux cols, celui de Parmentile (45 m) et celui d’Arésia (69 m) : détails pour enrichir le répertoire du ci-devant Berbri. La circulation est dense et nous devons rouler prudemment pendant les 25 km, sans grand intérêt, conduisant à Precoggio où nous abandonnons le grand axe pour emprunter la route circulaire de la Pointe de la Chiappa. Elle contourne un massif très accidenté, longeant à distance la côte rocheuse et des plages de rêve dont celle de Palombaggia avec au large la Réserve Naturelle des Îles Cerbicale. Ce détour, prévu sur les tablettes est plus agréable que la grande route que nous recoupons à l’entrée de Porto-Vecchio. Nous arrivons au centre-ville devant l’Hôtel Holzer à 17 h 45. G.M de Saint-Hippo qui a fait le trou sur l’interminable ligne droite et nos deux Saint-Jeanais qui se sont carapatés à Bonifacio bien avant nous ratant de ce fait la boucle de la Chiappa ont déjà investi leurs appartements. Le principal est qu’ils soient arrivés à bon port. Les Promeneuses qui ont flâné dans Bonifacio débarquent un peu plus tard avec Caroline au volant, Yolande aux cartes, Nadia et Suzy en soutien : une fine équipe soudée et déterminée ! Toutes les trois sont satisfaites de leur chauffeuse qui vient, sous mes yeux, d’effectuer une délicate manœuvre dans la cour, certain (sans « S ») prétendrait qu’elle conduirait mal, je m’inscris en faux contre ce sarcastique préjugé ?
Ce soir, nous dînons dans l’établissement, nous sommes d’ailleurs les seuls clients alors que ce dernier affiche complet. Peut-être parce que le menu manque d’originalité : salade, charcuterie dite locale et porc suivis de plusieurs verres (à dégustation) de myrte pour aider à la digestion. La bouteille que Catherine, la sympathique barmaid nous confie va prendre une sérieuse claque. Je ne nommerai pas les auteurs de cette forfaiture dont je fais partie, ils se reconnaîtront, s’ils s’en souviennent !
Pour clore la soirée, rien de tel qu’une petite balade dans les rues animées de cette ville sélecte où se côtoient épiceries fines, restaurants, salons de thé, pâtisseries, agences immobilières, opéra tours, magasins de souvenirs, boutiques de mode etc. Des vacanciers déambulent sur les trottoirs ou occupent les terrasses dans une atmosphère balnéaire et décontractée. C’est une bande plutôt joyeuse qui emboîte le pas de son Bouillant Président, très en forme lorsque tombe la nuit. Certains consultent les prix des maisons et des appartements, d’autres les vêtements derniers cris qui ornent les vitrines, d’autres encore, lorgnent les appétissantes crèmes glacées et sorbets qui étalent de surprenantes couleurs dans leurs bacs. J’en dégusterais bien une, malheureusement, Yolande reste sourde à ma demande mais une voix suave sortie de l’ombre me dit : « Jacky, puisque personne ne vous écoute, prenez et goûtez cette glace ». Je mange quelques cuillerées et tends le pot que lorgne Patrick puis le rends à ses deux gentilles propriétaires. Sans doute contenait-elle du gingembre car je vois mon Pat tout excité, esquisser un ou deux pas de zumba, balancer sa chaussure, la récupérer à la volée et s’asseoir sur le siège arrière du petit train dans le dos du contrôleur. Il faut un rappel à l’ordre de Suzy pour qu’il reprenne une ingénuité désarmante. Nous rions de bon cœur de cette amusante scène et rentrons à l’hôtel un peu avant minuit.
Samedi 8 septembre – Porto-Vecchio/Solenzara (81,77 km et 2 175 m de dénivelé pour 5 h 03).

Nous déjeunons de bonne heure pour être prêts à 8 h 30. Après Guy qui a eu des problèmes avec la boîte de vitesses, c’est au tour de Georges de prendre les commandes, ça tombe bien puisqu’il a trouvé sa roue dégonflée en chargeant son vélo dans le fourgon. À l’issue de ce séjour, il appartiendra à Dame Cordonnier de désigner le meilleur pilote, ce que je suis certain de ne pas être !

À l’heure dite, nous saluons notre hôtesse et traversons la ville vers le nord-ouest pour prendre la D368 qui s’enfonce dans le cœur du pays. Sans perdre de temps, elle monte, d’abord vers les collets de Taglio Maggiore (58 m) et de Punticelli (74 m) puis plus durement à travers la forêt de l’Ospédale et son barrage (945 m) entouré de pins, chacun pédalant à son rythme, le mien n’étant pas très soutenu ce matin, la myrte peut être ? Ce site, très prisé des randonneurs et des touristes qui viennent y pique-niquer est l’un des buts de la journée de nos 4 Belles que nous apercevons sur les rives du lac. Après un instant de repos, nous continuons notre ascension vers la Bocca d’Illarata (994 m) avant de redescendre vers la Bocca di Pelza (874 m) et enfin le village de Zonza (778 m), en pleine effervescence estivale. Il est presque midi et je suis content de marquer une pause car j’ai l’estomac dans les talons et je suis fatigué.
Nous attendons d’être au complet pour choisir notre restaurant, mais il ne faut pas traîner, en effet les cars de touristes se succèdent dans ce dernier centre de civilisation avant le célèbre Col de Bavella. Nous choisissons le plus pimpant « L’Auberge du Sanglier » et allons nous installer sur la terrasse couverte face à un magnifique cirque de montagnes dont les fameuses Aiguilles du même nom. Nous avons bien fait de nous presser car la salle se remplit rapidement bien qu’il ne soit pas tout à fait l’heure : l’excursionniste d’ascendance germano- anglo saxonne aurait-il le même rythme biologique que le quidam descendu de l’Aigoual inféodé aux 12 coups du carillon ? La serveuse ou peut-être la patronne, très active, court d’une table à l’autre, prend des commandes, sert des boissons mais n’écoute pas tout ce qu’on lui dit, particulièrement notre Diligent Président qui par trois fois lui demande de l’eau car nous sommes assoiffés. Celle-ci lui rétorque sur un ton incisif qu’étant en vacances, il a bien le temps ! Pour le punir de son impétuosité, il a droit à un plat en sauce……. à la crème fraîche et nous, à un rosé bouchonné à peine frais. Ce restau est trop passager pour être scrupuleux, on le saura pour la prochaine fois.
Le final est de 9 km que certains, moi le premier, trouveront pénible, pourtant, le pourcentage n’est pas effrayant sur ce versant, le décor fantastique qui nous entoure compensant largement le manque de punch. Je termine au coude à coude avec Monseigneur Serre du Suc qui met toute son énergie pour me coiffer sur la ligne (1 218 m), puis, pour faire un peu de cinéma devant l’équipe rassemblée sous le panneau en changeant sa roue tel un coureur pro. Comme les passagers des voitures et des bus, les dizaines de motards et d’autres forçats, nous sommes sous le charme de ce panorama grandiose dominé par de gigantesques parois de granite dont la cime déchiquetée culmine à la Punta Alta (1 855 m). Le petit bémol à cet extraordinaire tableau est cette disgracieuse Notre-Dame des Neiges perchée sur son tumulus couvert d’ex-voto en marbre et de bougeoirs en plastique rouge que Celse cherche à photographier avec votre modeste scribouilleur en premier plan, sans doute pour le faire chanter ?
Comme nombre de promeneurs, Caro, Nadia, Suzy et Yolande ont chaussé leurs grosses godasses pour une randonnée de deux ou trois heures vers le Trou de la Bombe hors escalade de la muraille percée (1 307 m). Après leur départ, c’est à regret que nous nous arrachons à ce cadre magique, surtout les petits nouveaux, je veux dire les Cousins-Cousine qui sont aux anges, ce qui n’est pas étonnant au pied d’une vierge. Après la béatitude, l’ivresse des profondeurs car 30 km de descente nous attendent sur le versant est du massif avec une seule côte, le Col de Larone (608 m). La D268 n’est pas bien large, parfois en mauvais état avec des nids-de-poule, des dos-d’âne, des vaches, des chèvres et des cochons noirs, une véritable cour de ferme. La pente est beaucoup plus prononcée de ce côté formant des lacets serrés dans la forêt de pins qui s’éclaircit au fur et à mesure que nous progressons, laissant apparaître de majestueuses falaises de granite rouge et or. À la Bocca di Laronu les curieux s’arrêtent pour un coup d’œil en arrière sur les coteaux verdoyants dominés par les Aiguilles de Bavella à droite et celles, moins impressionnantes d’Urnucciu à gauche. Plus bas, la route rejoint le cours de la rivière Solenzara au Pont de Calzatoju (119 m) où nous nous regroupons.
Arc-bouté sur sa machine, Guy, qui a certainement piqué un berlingot à M. E.P.O., place un démarrage et prend le large, nous faisant une surprenante démonstration sur un ou deux kilomètres, en moulinant du braquet, SVP ! Voilà qui relance la bagarre des rouleurs dans son sillage avant que Patron du peloton ne reprenne l’affaire en main avec un Titi pugnace attaché à ses basques. Au carrefour avec laT10, la bataille est terminée et nous reformons notre paquet pour entrer dans Solenzara, il est 16 h 00.
L’hôtel « Escale » en bordure de la nationale est confortable, du moins notre chambre qui heureusement donne sur l’arrière, son restaurant contigu est moins austère qu’à Porto-Vecchio mais les serveuses, si elles sont mignonnes, n’ont ni le sourire, ni la prévenance de notre barmaid d’hier qui est rentrée confiante chez elle à Figari en nous laissant sa myrte que nous avons oublié de payer mais pas de siffler ! Après une bonne douche, certains vont en ville et à la plage puis en reviennent peu satisfaits, d’autres ont choisi de trinquer. Le repas est correct, de même que le vin et à 22 h 30, tout le monde est au lit car, demain, l’étape sera difficile.
Dimanche 9 septembre – Solenzara/Corte (87,02 km et 1 941 m de dénivelé pour 4 h 55).

Ce matin, le breakfast est vraiment léger et servi sans d’entrain par nos jolies donzelles qui se remuent davantage lorsque leur boss montre le bout de son nez. Je sors de table peu rassasié, la journée va être difficile, même si je bénéficie d’une certaine réserve pondérale !

Nous quittons sans regret cette station balnéaire (7 m) quelconque et pédalons à la queue leu leu sur la T10 jusqu’à Ghisonaccia (14 m) : 17 km à peine ondulés et sans attrait dans une circulation chargée. Dans la ville, nous prenons à gauche, c’est toujours plat et rectiligne pendant 8 km jusqu’à Saint-Antoine (92 m), mais plus tranquille. Moins de 100 m de dénivellation en 25 km, qui aurait imaginé cela en Corse ? Nous n’avions pas rencontré une telle situation depuis la vallée du Lot ! Ce qui est rassurant est que notre horizon est bouché par une haute chaîne de montagnes escarpées, ce qui l’est moins est que nous devons la franchir pour aller à Corte. À la sortie du hameau, ça commence à monter au milieu de collines de moyenne importance puis la pente s’accentue à Pinzalone, entrée du Défilé de l’Inzecca où le relief s’élève sérieusement. Le paysage, nouveau pour moi, est superbe avec de profondes gorges envahies par une belle végétation où les pins laricio sont légion. La faille s’élargit à hauteur du barrage de Sampolo sur le Fium Orbu puis se resserre dans le Défilé des Strette jusqu’à Ghisoni où nous nous arrêtons pour souffler et remplir nos bidons.
Nous entrons dans le vif du sujet, à savoir l’ascension du second palier du Col de Sorba, l’un des Grands de la Corse. Bien sûr, c’est Laurent qui mène la danse avec la « Famille » et Georges dans son sillage. Celse et Patrick sont plus loin et moi davantage. Je ne me sens pas au mieux et ai l’impression d’avoir des jambes en coton, sans être à la dérive, je grimpe très doucement ce qui ne m’empêche pas d’admirer le pays mais aussi de ruminer et de me dire que cette activité est trop dure pour moi à un âge canonique et que je devrais raccrocher ! Les derniers lacets sont interminables, Laurent qui revient à la rencontre des retardataires m’encourage puis descend vers mes suiveurs, Nicole et Guy, très loin derrière. J’approche du sommet sous les applaudissements de mes amis et mets pied à terre quelques mètres avant la ligne (1 311 m) pour une photo plus originale, rare dans les albums de Brigitte qui ne photographie, d’ordinaire, que des vainqueurs. Le trio arrive un quart d’heure après moi. Voilà qui donne une échelle sur cette difficile montée de 11 km entre le premier et le dernier : environ 40 à 45 minutes, voire davantage, je pense !
La descente sur le versant opposé est très roulante avec des lacets serrés au début puis de belles courbes. Je peux me laisser glisser dans le sillage des spécialistes, mes 85 kg me permettant de rouler sans donner un coup de pédale. Au carrefour de la D69 et de la T20 qui est aussi le Col de la Serra (807 m) et un relais pour casser la croûte, nous nous arrêtons. Des motards et des touristes occupent la terrasse mais il reste quelques tables à l’intérieur où nous nous installons, sans Georges désireux d’agrémenter cette sortie par un détour dans la Vallée de la Restonica. Claude qui a continué sur la grande route, rebrousse chemin pour se joindre à nous, le Métronome, envolé vers des cimes inconnues, a retrouvé notre trace. Le repas est copieux, de bonne qualité et peu onéreux : je sors tout revigoré et d’attaque pour les vingt derniers kilomètres descendants si l’on excepte une sérieuse grimpette vers Venacco. Nicole, peu adepte des descentes folles, a décidé d’accompagner son Claude dans le camion et, comme souvent, c’est notre Impétueux Président qui donne le ton sur un bel enchaînement de courbes et de virages parfaitement relevés, seul Celse, privé de compote, n’a pu accrocher le wagon. Le train est soutenu et lorsque la route commence à se durcir, le groupe explose avec dans l’ordre derrière l’indétrônable Laurent, les Cousins, puis Jacky suivi de Bernard qui semble se ménager en vue d’un détour vers les Bergeries de Grotelle, loin derrière Patrick, puis Guy et enfin Celse.
Au sommet de la grimpette qui en fait est le Col de Bellagranajo (723 m), je suis revenu sur Christelle et Jean-Luc que je sens fatigués et ai semé Bernard qui cache son jeu car le petit extra qu’il s’est fixé en fin de parcours est très ardu. En attendant que tout le monde soit là, nous contemplons le panorama grandiose qui s’offre à nous où émergent, au milieu d’une succession de crêtes le Monte Rotondo (2 622 m), Le Monte Cardo (2 453 m), le Monte Cinto (2 706 m), point culminant du département, et bien sûr Corte, accrochée à son piton rocheux, 7 ou 8 km en dessous de nous. Après les photos d’usage, nous repartons de plus belle jusqu’à l’entrée de la ville (411 m). Notre Accro de la grimpette nous abandonne là et s’en va sur l’étroite D623 qui va buter à 1 370 m sur les hauts sommets de la chaîne centrale : 959 m en 15 km, dont le premier tiers peu pentu, voilà qui promet des pourcentages autrement plus importants que tout ce que nous avons vu auparavant. Personne d’autre n’est tenté par l’expérience car, si l’environnement est grandiose et le challenge intéressant pour les addictocols, ce chemin étroit est rendu dangereux en raison de sa circulation importante dans les deux sens.
Nous traversons les faubourgs de Corte jusqu’à la place de Padoue et l’hôtel éponyme, notre résidence de ce soir. L’établissement a un aspect désuet et même vieillot mais les chambres sont spacieuses et soignées, de plus l’hôtesse est souriante, aimable et vive. Vers 16 h 00, Li Fimmineddi partent visiter le Museu di a Corsica logé dans la citadelle et les quartiers anciens pendant que nous prenons notre douche. Bénéficiant d’un peu de temps, Celse propose de nous emmener, Patrick, Laurent et moi, avec la 207 dans la Restonica jusqu’aux Bergeries de Grotelle. Nous constatons, comme je l’ai dit plus haut, que le coup d’œil est extraordinaire, que le trafic est quasi ininterrompu, qu’il est difficile de se croiser, que la seconde moitié est très raide et qu’enfin, personne ne regrette de ne pas avoir suivi l’exemple de nos insatiables grimpeurs.
Au retour, comme par hasard, nous échouons au bar avant de flâner en ville et de nous retrouver autour d’une table dans le « 24 », restaurant dirigé de main de Maîtresse par une pétulante quadragénaire. Le style pompeux n’est pas à la hauteur du service et de la qualité assez quelconque avec, par exemple un garçon qui remplit trop les verres vidant la bouteille d’un seul coup sans servir tout le monde, nous forçant à en commander une autre ou bien la patronne qui nous propose un choix de desserts à la commande et nous sert d’emblée le même à tous sans rien nous demander en fin de repas, mieux encore, comme souvent en Corse, nous avertit au moment du règlement que la machine à CB est en panne. Pour la peine, nous n’irons pas au Dab, comme elle nous le suggère mais notre Scrupuleux Trésorier lui établira un chèque. Ça la fout mal dans un restaurant qui prétend être branché et qui présente du Dom Pérignon à sa carte, champagne qui trône au milieu de l’impressionnante armoire à vins vitrée : ce n’est pas une adresse à retenir ! Nous sommes de retour vers 22 h 20 et à la veille d’une très belle étape que je peux revendiquer pour l’avoir presque imposée à l’organisation
Lundi 10 septembre – Corte/Porto (108,03 km et 2 242 m de dénivelé pour 6 h 10).

Le petit-déjeuner est copieux, sans comparaison avec celui de Solenzara. Jean-Luc assurera l’assistance tout au long de ce parcours montagneux. Nous sortons de la ville par le nord sous un ciel bleu, parsemé de nuages blancs et une température fraîche. D’emblée, la D18 gravit en rive gauche de l’Orta le Col d’Ominanda (654 m), la route monte pendant 6 km avec un dénivelé variant de 4 à 10 %, providentiel pour un bon échauffement car il ne fait pas très chaud et nous supportons d’être couverts. S’ensuit une fort belle descente, large, confortable et très roulante jusqu’au Pont de Castirla (345 m) via le village du même nom. Les plus véloces et les plus bedonnants arrivent les premiers au carrefour de quatre directions où nous attendons les derniers pour qu’il n’y ait pas de méprise : on se méfie maintenant ! Nous virons à gauche sur la D84 que nous devrions suivre jusqu’à Evisa et au-delà.

Difficile de se perdre puisque hormis trois ou quatre culs-de-sac, il n’existe qu’un seul tracé sur les 50 prochains kilomètres, il faudra être vigilant au-delà car les possibilités sont multiples. Dès la reprise, Laurent, Christelle et Georges ont pris les affaires en main et font le trou, nous les voyons filocher dans les premiers tronçons. Bien qu’ayant retrouvé tous mes moyens, je m’abstiens de m’accrocher à leur trio, préférant musarder en compagnie de Nanard, de Celse et de Patrick, alors que Guy, Revel & Revel sont à l’arrière. Au lieu-dit « Pinelli », 3 ou 4 km plus loin, nous ne les voyons déjà plus : sans doute se sont-ils mis sur le mode compétition et non le mode nonchalant comme l’invite une telle splendeur. La Scala Santa Regina (nous y avons randonné deux fois), est un défilé creusé par le fleuve Golo qui naît au cœur de la Corse, au pied des sommets majeurs que sont le Monte Cinto, la Paglia Orba, le Tafonato et bien d’autres. La pente s’accentue rapidement, les gorges se resserrent et la route se rétrécie jusqu’à Calacuccia (812 m), 15 km de bonheur. Patrick, que je rattrape avant le village, pédale dans la géhenne avec son regard de supplicié, tête penchée sur la potence, situation trompeuse car je sais que dès que le terrain deviendra plus facile, il remettra ça ! Ce village n’a pas vraiment de caractère, à l’image de beaucoup en Corse mais il dégage une ambiance singulière, il faut dire que nous sommes dans le Niolo, au centre de l’île, épargné par les influences des multiples envahisseurs de l’histoire : Phocéens, Étrusques, Carthaginois et Romains avant notre ère puis barbares tels les Vandales et les Ostrogoths, puis musulmans comme les Barbaresques, les Sarrasins, les Maures et les Turcs, plus récemment les Pisans et les Génois, des esprits autonomistes ajouteraient les Français qui monnayèrent l’Île à la République de Gènes en 1 768. À l’exception des derniers occupants, tous ces conquérants se contentèrent du littoral et de quelques incursions intérieures, aussi, les habitants de cette région (moins de 1 000 habitants répartis sur 5 communes) peuvent s’enorgueillir d’être les plus typiques, moi, je dirais plutôt les moins brassés.
Nous faisons halte sur la terrasse d’un café, à l’ombre des tilleuls pour boire un verre et récupérer quelques forces pour les plus exténués, Nicole qui n’a jamais ni soif ni envie de s’arrêter, continue son bonhomme de chemin. La Fine Équipe, qui est allée contempler le lac vers Casamaccioli, vient trinquer avec nous. Nous entamons la seconde phase de notre long pèlerinage vers le Vergio (1 477 m), le plus haut col routier de Corse dont la longueur avoisine celle de notre cher Aigoual. Les premiers kilomètres traversent une campagne bucolique, plus verdoyante que nos Cévennes jusqu’à Albertacce où je stoppe pour admirer le Ponte Altu et le cours tumultueux du Golo qui dévale de la Paglia Orba. Tout le monde a disparu et je me retrouve isolé à l’arrière, ce que j’apprécie bien, pas d’être le dernier mais d’être seul car c’est la première fois que je traverse ce coin à bicyclette, pourtant, je suis venu, ici, à de nombreuses reprises depuis que Yolande me l’a fait découvrir. Je roule à ma main sur les contreforts des massifs à droite du Cinto et à gauche du Rotondo, dont ce col sert de jonction. Avant de pénétrer dans la Forêt Territoriale du Valdu-Niellu, les points de vue sur les montagnes, les gorges et les vallées sont fantastiques, c’est là que je rejoins « Revel & Revel » : j’ai oublié qui est l’inventeur de cette belle formule qui nous fera différencier plus facilement les Gardin des Revel (Guy, Celse ou autre ?). Vers Frascaghui, la départementale s’engouffre dans un agréable couvert végétal composé presque essentiellement de pins Laricio, d’aulnes, de hêtres et de bouleaux : tiens, un boulot, étonnant en Corse ! J’abandonne le compotophage, Guytou, rejoins et largue Patrick mais ne rattrape pas les échappées qui attendent devant le gîte de la station de ski. Une fois tous réunis, y compris nos Disertes Compagnes dont l’objectif est une randonnée vers les bergeries de Radule, quelque part au nord d’ici sur le GR20, nous passons commande au garçon.
Après avoir bu un verre, enfilé une petite laine, nous terminons notre ascension avant de débouler sur une magistrale descente dans la forêt d’Aitone. Vers 13 h 00, nous sommes à Evisa (869 m) et allons déjeuner au « U Caracutu » (repas correct). Sauf Nicole qui a choisi de terminer dans le camion, nous dévalons vers le grand large en contre-haut des Gorges de la Spelunca malgré la présence de vaches placides et de cochons indolents étalés au milieu de la chaussée. Nouvelle halte au Pont de Listincone, car nous avons projeté d’emprunter l’étroite D124, bien connue de nos Vétérans. Celle-ci, très pentue, rejoint la rivière de Porto au sortir du défilé ci-avant nommé, la traverse et la longe en rive droite. Personne ne semble s’intéresser à la beauté du site et du Ponte Vecchiu, d’architecture génoise, parfaitement restauré, l’appel de la Pietra, sans doute ? Seuls Celse et moi marquons le pas avant de remonter le redoutable raidard menant aux premières maisons d’Ota (340 m) dotée d’un belvédère avec une vue imprenable sur le Golfe de Porto. Une belle descente avec plusieurs points de vue vers la mer termine cette longue et passionnante étape.
Tout le monde s’est évanoui, y compris notre ami Mazamétain qui devait nous accompagner sur les hauteurs de Piana. Nous repartons donc, Celse et moi, sur la D81 serpentant sur les flancs du Capu d’Orto qui surplombe au sud, la mer. La route est large, pentue, écrasée par la chaleur et empruntée par des dizaines de motos, des cars et une multitude de voitures dont une caravane de vieux bolides pratiquement à l’arrêt. Nous en dépassons un bon nombre, surtout vers le haut où la circulation est régulée par le personnel de la mairie. Pédaler dans une telle agitation devient vite pénible et c’est à ce moment, à quelques coups de pédales des calanques, que je casse un rayon sur ma roue arrière qui instantanément se bloque. Pendant ce temps, Bernard nous a ralliés, il a même entendu le bruit de la rupture. Ne pouvant plus rouler, ni joindre par téléphone l’équipe de secours, mon coéquipier décide de prendre les devants et de revenir avec le camion alors que j’entame, à pied et vélo relevé à l’arrière, une descente de 9 km, car, il n’y a rien à faire pour la débloquer. Au bout d’un bon moment, énervé par cette situation, je démonte puis remonte ma roue qui frotte toujours puis la brutalise légèrement et miracle, elle tourne mais de guingois, j’enfourche délicatement ma bécane me laissant glisser doucettement au moment où Bernard, de retour de la Bocca d’Osini (403 m) sur la crête de Capo Rosso, me rejoint. Je lui dis que je vais tenter de descendre jusqu’à l’hôtel mais 4 ou 5 km plus bas, mon pneu éclate et je dois terminer pédibus les deux derniers car il y a bien longtemps que je n’espère plus rien du côté des secours. À 18 h 30, j’entre dans le hall, récupère, auprès de l’hôtesse, la clé du camion dans lequel se trouve mon sac et gagne ma chambre pour une douche bien méritée, les Randonneuses rentrant sur ces entrefaites.
Vers 19 h 00, je retrouve mon lâcheur avec froideur et les autres avec plaisir au bar pour un gouleyant verre de vin blanc régional. Nous nous rendons ensuite au restaurant « Le Panorama » pour un dernier et agréable dîner en Corse, suivi d’une sympathique balade digestive sur le port avec Christelle et Jean-Luc. Aux alentours de 22 h 30, nous nous faufilons sur la pointe des pieds dans le hall et les couloirs du Corsica Hotel car tout le monde roupille.
Mardi 11 septembre – Porto/Ajaccio (76,35 km et 1 421 m de dénivelé pour 3 h 57).

Aujourd’hui est notre dernier jour et je suis d’astreinte, j’ai tout tenté pour me soustraire à cette corvée : affirmé que j’avais oublié mon permis, précisé que je n’avais jamais conduit un fourgon, que je n’étais pas sûr de moi, que je ne savais pas manœuvrer, que j’avais peur. Même l’état déglingué de ma voiture n’a pas suffi à amadouer mes camarades. Je me fais donc une raison d’autant plus que ma roue arrière est morte et que Celse se garde bien de me prêter celle qu’il a en secours, lui, qui perfidement a réussi à s’affranchir de cette servitude. Je ferai donc cette ultime étape en compagnie de Brigitte, ce qui n’est pas une punition, je le précise.

À 8 h 02, après le petit-déjeuner, le peloton s’ébranle sans beaucoup d’entrain. Contrairement à hier, la route est tranquille dans les deux sens et nous pouvons nous arrêter plusieurs fois pour admirer ou photographier le Golfe puis les magnifiques roches rouges des Calanches, en réalité plus spectaculaires du haut que de la mer, puis, nous traversons le magnifique village de Piana, classé parmi les plus beaux de France. Après les dernières maisons, on reprend de l’altitude jusqu’au Col de Lava (491 m) d’où l’on peut admirer, au nord le Golfe de Porto, à l’ouest Capo Rosso et au sud, la côte rocheuse sur une vingtaine de kilomètres jusqu’à la Punta d’Omigna. Après ce n’est qu’une succession de montées et de descentes avec la Bocca di San Martino (433 m) et le Col de Torraccia (100 m) au-dessus de Cargèse, la D81 suit la côte pendant 25 km avec de très beaux points de vue sur le Golfe de Sagone avant d’escalader l’ultime difficulté de ce Tour de Corse, le Col de San Bastiano (464 m) long de 5 km avec des pourcentages variant de 5 à 10 %.
Nous nous arrêtons au bord de la route à 2 km du sommet près d’une paillote pour attendre nos ouailles, Brigitte en profitant pour compléter son reportage et immortaliser un peloton explosé. C’est, bien entendu, Laurent qui arrive le premier, il aura avalé toutes les bosses avec le sourire, puis Georges moins fringant que dans la zone industrielle de Bastia, Cousin-Cousine à l’énergie dans son sillage mais toujours au coude à coude, le Métronome quelque peu déréglé par une surdose de cols, Patrick à la peine mais résigné, Celse, déhanché sur sa selle et à la traîne, Guy, sans expression, loin derrière, puis Nicole égale à elle-même mais un peu renfrognée et enfin Claude désinvolte et droit sur sa machine. J’offre un pot à chacun, du moins à ceux qui ont daigné s’arrêter. Georges a déjà disparu, Revel & Revel aussi accompagnés de Laurent qui leur signifie de nous attendre vers le restaurant U Bastianu qui se dresse en contre-haut de l’ultime lacet sur la cime avant de revenir vers nous. Nous approchons du but et il serait bon que nous arrivions tous groupés à notre point de rendez-vous. Après un moment de relaxation et un dernier coup d’œil sur la Corse sauvage, l’équipe reprend sa lente progression vers le sommet. Là-haut, sous la pancarte, près de la terrasse du bar ou sur le belvédère point de Claude, ni de Nicole, ils ont dévalé sur le versant sud, escaladé la Bocca de Listincone (332 m) puis roulé jusque dans la banlieue d’Ajaccio sans que nous puissions les rejoindre, passant sous le nez d’un Jojo médusé. Nous les retrouverons dans la zone commerciale de la ville, par hasard ou par chance. Ah, ces têtes de pioche !
À 12 h 30, nous stationnons sur le parking de Leroy-Merlin dans le C.C de Mezzavia, nous disposons d’un temps suffisant pour ranger notre matériel dans leurs housses avant d’aller déjeuner. Le repas pris dans une brasserie est quelconque, cher, le service est médiocre et le pousse-café, aigre !
Yolande, qui a déposé ses trois copines vers la gare routière, au retour d’une balade aux îles Sanguinaires vient nous retrouver à Mezzavia pour le covoiturage vers le Port Maritime. À 15 h 30, nous sommes tous près des quais mais éparpillés car les véhicules légers accèdent d’un côté et les piétons d’un autre, chacun devant présenter ses papiers d’accès à bord du Girolata et sa carte d’identité, ce qui n’est pas toujours le cas pour les paroissiens trop assistés dont je tairai le nom. Vers 16 h 00, nous saluons avec un pincement au cœur nos amis qui embarquent pour une croisière nocturne vers Marseille. De notre côté, nous allons terminer notre séjour à Tizzano chez nos amis « pinsutu », 90 km au sud d’ici et surtout randonner sur l’insolite Plateau du Coscione, une merveille !

Épilogue d’un Tour de Corse.


Pendant cette dizaine de jours, nous avons été, dans l’ensemble, bien reçus par les autochtones, gâtés par la météo, émerveillés par la diversité et la variété des paysages (comme dira Jean-Luc : « ça sera dur, maintenant de trouver mieux », la Tasmanie, peut-être ?), rassasiés de belles routes, de grimpettes ardues et de folles descentes, gavés de charcuterie corse, désaltérés à la Pietra, l’Orezza ou le Vermentino, enchantés de la bonne humeur de chacun même si parfois, fatigue aidant, survenaient quelques anicroches. Les nouveaux ont été subjugués et les anciens confortés dans leur attachement pour cette magnifique île. Maintenant que nous avons effleuré ses contours, nous reviendrons découvrir ces chemins de traverse et les nombreux culs-de-sac qui jalonnent la côte ou conduisent aux villages perdus de l’arrière-pays. Mais avant, il faudra affronter le Mistral et la Tramontane des Baléares en avril et les vents du nord ou d’est porteurs de brume, parfois de pluie de la Bourgogne début mai, où il n’y a pas, heureusement, que de l’eau !

Celse aura parcouru 839 kilomètres avec 15 787 mètres de dénivellation, nous autres en moyenne 93 km et 1 754 m de moins, cela, sans tenir compte de quelques détours, d’une grimpette avortée vers Capo Rosso, d’une échappée dans la Restonica, de cols inédits ou encore de moments d’égarement. Ces chiffres sont le résultat des calculs du ci-devant Serre, instigateur de cette inoubliable odyssée. Merci à notre Estimable Président et à son Ardent Secrétaire, déjà nominé, pour cette parfaite organisation, sans oublier ma Titite, initiatrice, en parallèle de cette escapade, du « Bla-bla Car » touristique.

Le Bourguignon bougon
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